L’équarrissage
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Ce terme d’équarrissage désigne l’industrie spécialisée dans la collecte et le traitement et l’élimination des cadavres d’animaux et des déchets organiques d’origine animale. Le caractère particulier de cette filière en fait un service d’utilité publique. Les entreprises d’équarrissage assurent différentes missions :
Jusqu’au début du 20ème siècle, l’équarrissage était très peu réglementé en France et l’enfouissement des animaux prescrit uniquement dans le cas de maladies contagieuses. Désormais l'article L. 226-2 du code rural interdit d'enfouir, de jeter en quelque lieu que ce soit ou d'incinérer les cadavres d'animaux ou lots de cadavres d'animaux pesant plus de 40 kilogrammes.
La mise en place des règles d’équarrissage en France a été progressive :
L’équarrissage naturel
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Dotés de mauvaises réputations, les charognards ont souvent souffert des croyances populaires, qui les érigeaient en animaux de basse besogne. Pourtant ces charognards, que sont notamment les vautours, jouent un rôle primordial d’équarrisseurs naturels et rendent des nombreux services à l’environnement mais également aux éleveurs.
Mais voilà la pérennité des vautours en France reste tributaire de la disponibilité et de l’accessibilité des ressources alimentaires. Or, il apparaît que même le plus opportuniste d’entre eux est principalement dépendant des ressources alimentaires d’origine domestique. En effet, la présence des vautours reste essentiellement associée à l’existence des élevages traditionnels. Les cadavres de la faune sauvage constituent une part négligeable de leurs prélèvements alimentaires qui sont à ce jour essentiellement basés sur des animaux d’élevage issus des méthodes traditionnelles de « pastoralisme».
Les vautours participent donc au service d’équarrissage par l’élimination des cadavres d’animaux morts en exploitation (le plus souvent en estive). Même si l’action d’équarrisseurs des vautours apparaît plus négligeable en comparaison des plus de 3 millions de tonnes de carcasses traitées industriellement chaque année en France, elle reste néanmoins non négligeable pour les éleveurs indépendants. En effet, la filière du SPE connaît des difficultés pour accéder aux éléments à éliminer avec, selon les saisons, des délais de récupération qui peuvent atteindre 4 ou 5 jours, enfreignant les 48 heures légales d’enlèvement. Par leurs actions les vautours signent donc une relation complémentaire entre l’agriculture et la biodiversité : l’une ayant besoin de l’autre et vice et versa. Ainsi, alors que la biodiversité constitue l’essentiel des inputs nécessaires aux productions agricoles, et que son exploitation, le plus souvent, irraisonnée engendre des problèmes de disponibilité pour les générations futures, les vautours disposent d’une place prépondérante dans les systèmes pastoraux. Les services qu’ils génèrent peuvent être assimilés à des facteurs de production pour les exploitants, notamment par l’élimination des sources de pollution résultantes de l’activité agricole (déchets animaux, limitation des émissions de CO2). Les relations entre les activités d’élevage agropastoral et la viabilité des populations d’espèces de rapaces nécrophages représentent donc un exemple fort de convergence entre deux logiques a priori antinomiques : le maintien d’une production agricole importante et la conservation de la biodiversité.
La spécialisation alimentaire des vautours constitue un système complet du « traitement » des cadavres. Différents spécialistes, parmi les quatre espèces présentes en France (V. fauve, moine, percnoptère et Gypaète barbu), peuvent être reconnus :
- Les vautours dit "tireurs fouilleurs", dont font partie le Vautour fauve et toutes les espèces du genre Gyps. Ils sont spécialisés dans les viscères et les muscles. Ils possèdent un long cou dénudé qui leur permet de sonder le cadavre pour en extraire les moindres morceaux.
- Les vautours dit "déchireurs", affectionnent quant à eux les parties plus coriaces, comme la peau, les tendons et les cartilages. Leur bec est plus fort et tranchant. En Europe, le Vautour moine entre dans cette catégorie.
- Les vautours dit "picoreurs", comme le Vautour percnoptère, qui glanent les menus morceaux. Leur régime alimentaire est très éclectique et opportuniste. Le gypaète barbu, ou "casseur d’os", est mis à part dans cette classification, au regard des particularités de son régime, qui est essentiellement constitué d’os.
Ainsi les quatre espèces de vautours présentes en France ainsi que les autres rapaces nécrophages (p.ex. milans,...) constituent un système entier et relativement efficace d’élimination des carcasses d’animaux. Les caractéristiques de cette chaîne de nécrophages concourent à l’existence d’une complémentarité entre l’équarrissage classique et l’équarrissage naturel.
Afin de restaurer le rôle d’équarrisseur naturel des rapaces nécrophages et d’assurer une plus grande accessibilité et disponibilité des ressources alimentaires issus des élevages domestiques, en France différents sites d’alimentation sont employés (cf. cahier technique « Placettes d’alimentation »).
Ce qu’il faut savoir sur l’actualité législative et règlementaire de l’équarrissage naturel
Bases juridiques
1. Arrêté du 7 août 1998
Après de nombreuses années de négociations, les rapaces obtinrent une modification des articles 264 à 271 du Code rural, concernant l’équarrissage. Elle a été traduite notamment par l’arrêté du 7 août 1998 (PDF) et permettait la mise en place d’aires de nourrissage à l’attention des rapaces nécrophages.
Les dernières crises d’épizooties de la fin des années 2000 (ESB, EST, Fièvre aphteuse, Brucellose…), …, renforcées par les controverses d’utilisation de farines animales,…, ont conduit au renforcement des mesures de vigilance sanitaire et des procédures d’épidémiosurveillance.
Ces événements ont connu leur paroxysme avec les inquiétudes sur l’éventualité des possibilités de transmission des virus des animaux aux hommes ou de leur impact sur l’économie (Fièvre aphteuse), ou encore sur l’hypothèse d’une EST ovine transmissible à l’homme. L’ensemble de cette crise sanitaire a eu des conséquences directes sur le cadre légal qui régit la mise en œuvre et l’existence d’aires de nourrissage pour les oiseaux nécrophages.
2. Règlement 1774/2002/CE
Le règlement CE 1774/2002 (PDF) intervient en réponse de ces évènements sanitaires :
- Il fixe les règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine.
- Son champ d’application concerne tous les sous-produits animaux ou d’origine animale non destinés à la consommation humaine.
- Les cadavres d’animaux, dont ceux d’animaux d’élevage, y sont visés.
Ce règlement est donc une réponse de la Commission des Communautés Européennes aux crises d’épizooties (fièvre aphteuse, encéphalopathies spongiformes transmissibles telles que l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), peste porcine, …) qui ont marqué l’Europe ces dernières années. Il permet à la Commission Européenne de garantir :
- un niveau de sécurité élevé dans l’ensemble de la chaîne de production et de distribution: «de la ferme à la table».
- un niveau de traçabilité élevé pour les consommateurs.
- la compétitivité des filières d’élevages Européens et ainsi de préserver les échanges commerciaux intra- extra communautaires. Cette dernière précision n’est pas anecdotique car elle constitue un facteur limitant l’espace de négociation en faveur de l’équarrissage naturel.
Ce règlement prévoit, entres autres questions, des dérogations permettant le nourrissage, à partir de matières de catégorie 1 (1), des oiseaux nécrophages protégés, menacés et vivants dans leurs habitats naturels.
Ce règlement a été modifié le 25 février 2011 par le règlement (CE) n°142/2011.
3. Règlement n°142/2011/CE
Le règlement n°142/2011/CE (PDF) de la commission du 25 février 2011 modifiant le règlement (CE) n°1774/2002 et portant application du règlement (CE) n° 1069/2009 du Parlement européen prévoit, entre autres questions, l’utilisation de certaines matières de catégorie 1 pour l’alimentation d’espèces d’oiseaux nécrophages menacées d’extinction ou protégées et d’autres espèces vivant dans leur habitat naturel, afin d’encourager la biodiversité. Il prévoit donc de favoriser une plus grande accessibilité des ressources alimentaires d’origine domestique pour certaines espèces carnivores visées dans la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages et pour certaines espèces d’oiseaux de proie visées dans la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, afin de tenir compte des habitudes alimentaires naturelles de ces espèces.
4. Décision 2003/322/CE
La décision 2003/322/CE (PDF) du 12 mai 2003 déroge l’article 23 du présent règlement.
Mais paradoxalement, elle imposait des contraintes supplémentaires à l’application de ce règlement CE 1774/2002 puisque tous les bovins de plus de 24 mois et ovins/caprins de plus de 18 mois devaient faire l’objet d’un dépistage des EST.
5. Décision 2005/830/CE
Après d’âpres négociations, la LPO, avec le soutien des Ministères de l’Agriculture et de l’Environnement, a obtenu l’amendement de la décision de la Commission européenne 2003/322/CE du 12 mai 2003. Ainsi, la décision 2005/830/CE (PDF) portant application du règlement (CE) n°1774/2002 définit les nouvelles règles applicables pour la Grèce, l’Espagne, la France, l’Italie et le Portugal, pour l’alimentation des oiseaux nécrophages.
Cette décision 2005/830/CE est rentrée en application :
- par voie réglementaire, dans l’arrêté du 6 août 2005 et l’arrêté du 28 février 2008;
- et la note de service DGAL/SDSPA/N2006-8300 du 19 décembre 2006
6. Réforme du SPE
Ainsi si jusqu’à présent le SPE était gratuit pour les éleveurs de ruminants, en vertu de la réglementation européenne qui prévoit une participation financière minimum des éleveurs, l’Etat français a demandé une contribution financière aux éleveurs de ruminants. Après de nombreuses négociations, un accord interprofessionnel (différentes familles professionnelles d’INTERBEV), a institué une cotisation volontaire obligatoire* (CVO) prélevée par les Etablissements départementaux de l’Elevage (EDE) au profit de l’association ATM (animaux trouvés morts) ruminants. Cette association a ensuite la charge de payer l’équarrisseur. D’un point de vue pratique cette CVO est donc prélevée par les EDE en même temps que la facture d’identification.
Le montant de la CVO est fixé à 1,15 € HT par UBE (Unité Bétail Equarrissage) présent sur l’exploitation : sachant que les UBE sont définies ainsi :
- p1 vache ayant vêlé : 1 UBE,
- Tous les autres bovins : 0,25 UBE,
- 1 reproducteur ovin ou caprin de plus de 6 mois : 0,28 UBE soit 32 cts d’€/tête
- 1 ovin ou caprin en atelier d’engraissement: 0,03 UBE soit 0,34 cts d’€/tête (prise en charge de la facture équarrissage par profession environ 15%).
Le total de cotisations annuelles du SPE devrait ainsi être d’environ 3 millions d’euros sur un produit total de 14 millions d’euros. Les éleveurs devront donc prendre en charge environ 20% du coût de SPE de leur filière.
7. Projet d’amendement du règlement 1774/2002/CE
BirdLife International, ses représentants nationaux et la LPO ont travaillé sur l’amendement du règlement n°142/2011/CE. Le nouveau règlement n°142/2011/CE ainsi amendé était motivé par les évènements qui ont marqués les populations de vautours ces dernières années en Espagne, avec un déclin catastrophique de la plupart des populations de ces oiseaux remarquables. L’amendement approuvé repose pour l’essentiel sur le Chapitre II section 2, et le Chapitre III article 14 et section 6. Il vise à une plus grande :
Le règlement n°142/2011/CE publié au Journal officiel de l’Union européenne du 26 février 2011 est en vigueur dans tous les Etats membres de la Communauté Européenne depuis le 04 mars 2011.
(1) Sous produits animaux présentant un risque :
- à l’égard du prion,
- un risque inconnu,
- un risque lié à l’utilisation de substances interdites ou à des contaminations de l’environnement.